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FALLAIT BIEN COMMENCER !

OPTION SUR LA MORT, NEIL MACNEIL
BEAUTÉ FROIDE, JOHN B. WEST
PRESSES INTERNATIONALES / INTERPOLICE CHOC, 1962

J'ai mis un certain temps à le comprendre mais en matière de polar dur US années 50 et 60, il n'y a pas que la maison Gallimard et les Presses de la Cité. Le lecteur français doit aussi compter sur les petits éditeurs de basse qualité et qui à l'époque, par manque de moyens mais souhaitant rester compétitifs, importèrent une certaine quantité de yankee de seconde zone, des œuvrettes mineures, des morceaux de série oubliées, du n'importe quoi n'importe comment mais assez recommandable puisque symbolisant parfaitement le véritable esprit Pulpster américain : vite torché, très cliché mais foutrement bien foutu.
Pour preuve, et en guise de mise en bouche au mois du novembre noir, deux publications des Presses Internationales - une maison d'éditions montée (semblerait-il) par le fameux André Martel - collection Inter-Police Choc, le format avec les jolies couvertures de Jacques Blondeau.

Honneur aux moches, je débute par le moins enthousiasmant du lot, Option Sur La Mort (Death Takes An Option) de Neil McNeil, premier (et unique volume traduit en France) de la série des Tony Costaine et Bert McCall, duo de private investigators à la coule et à tarifs prohibitifs.
Dans cet épisode (mais j'imagine que le schéma des intrigues de variait pas trop d'un volume à l'autre), ils sont chargés par une big huile super-riche de résoudre une affaire de gisement d'uranium magouillé par des truands de Las Vegas. Les 50 premières pages sont légèrement laborieuses, la faute à une intrigue qui tient plus de l'espionnage industriel que du polar de détective privé amateur d'alcools forts et de poulettes dévergondées mais la saveur du genre est tout de même bien présente, en témoigne le sacro-saint premier paragraphe du premier chapitre : "La femme de l'ascenseur était blonde, froide, belle et dangereuse. Tony Costaine percevait nettement le risque qui émanait d'elle. Cette impression aurait rebuté bien des hommes, mais, pour lui, elle ne faisait qu'ajouter du piment à cette rencontre."
(ne jamais oublier ce que Spillane disait au sujet de la première page de texte d'un bouquin : c'est cette première page qui le fait vendre. Spillane s'y connaissait en vente : Je n'ai pas de fans. Je n'ai que des clients. Et le client est ton ami.)
En témoigne aussi, je reprends, les compliments gentillement misogynes que nos héros assènent à leurs conquêtes féminines. "Il ne pouvait s'empêcher de la trouver particulièrement décorative," déclare l'auteur au sujet d'une poule à qui Tony Costaine propose la botte - c'est à dire un poste de secrétaire à son service exclusif.
McNeil, dit J.D. Ballard, auteur classique de fiction pour mec, vétéran des jours heureux de Black Mask et artisan de centaines de bouquins d'aventures, principalement dans le polars et le western, suit scrupuleusement les règles du genre. Au bout de 100 pages, arrivés à Las Vegas pour s'occuper leur petite affaire à coups de poings et de flingots, Costaine et McCall deviennent attachants, prennent de faux airs des Frankie et Dino du Rat Pack. Piscine, Whisky, tables de jeu, Le bouquin verse alors entièrement dans le cool late-fifties/early sixties à la Richard S. Prather (voir la série des Scott, elle aussi publiée en Presses Internationales) et, une fois terminé, on se surprend même à regretter que Option Sur La Mort fusse le seul Neil MacNeil traduit en France. Aux états Unis, 6 autres suivirent. Inutile de préciser que, de par ici, l'on en verra jamais la couleur...

Bien moins cool mais foutrement plus punchy, plus dur, plus sanguinolent, plus efficace aussi, bref, plus Spillanien, c'est Beauté Froide (A Taste For Blood) de John B. West, un drôle d'auteur au parcours atypique pour un roman faisant partie d'une série hardboiled de détective privé totalisant 6 volumes aux US entre 59 et 61 (et un seul traduit en france...)
Le détective en question s'appelle Rocky Steele - ancien commando en Corée, ancien boxeur, baroudeur, tête brulée et véritable succédané de Mike Hammer.
Steele vit dans un New-York interlope, dur et pluvieux. Il possède un calibre 45 qu'il prénomme Betsy et avec lequel il cartonne sans ménagement des petits truands, il nargue à longueur de temps le district attorney véreux du coin et entretient avec la secrétaire moulée au format pineupe hollywoodienne qu'il a embauché pour répondre à son bigophone des rapports platoniques très poussés destinés à faire baver de jalousie le cochon de client.
Bien entendu, le meilleur ami de Rocky Steele est le seul inspecteur de police honnête de la ville et ensemble, ils règlent des affaires de corruption dans lesquelles mouillent les riches et les puissants.
Bien entendu, (spoiler ?) le coupable est une femme mais, avant de la démasquer et de la punir/coffrer/tuer, Rocky Steele la couche dans son lit pour une détonante nuit de folie.
Un petit passage pour le plaisir, car c'est aussi ça le charme du polar US de l'époque : la scène sexy désuette.
"Lorsqu'elle eu posé son verre, elle entrouvrit son déshabillé et peu à peu, le peignoir glissa sur ses épaules et retomba sur le sofa. Ma température montait à la vitesse d'une fusée en route pour la lune.
- Tu n'as pas chaud, Rocky ? soupira-t-elle. On étouffe ici.
Effectivement, j'avais chaud. L'ambiance de la pièce n'y était pour rien. Elle s'approcha de moi, m'enleva ma veste et la posa sur une chaise. Puis, tranquillement, elle dégrafa mon holster et posa Betsy sur le veston. Ses longs doigts se mirent à parcourir mes bras, s'arrêtant sur les muscles, les palpant.
- C'est de l'acier, roucoula-t-elle.
Croyez-moi sur parole, elle savait de quoi elle parlait ! Elle approcha son beau visage du mien. Sa lourde chevelure brune retomba en cascade sur ses épaules. Pas un homme n'aurait pu lui résister. D'ailleurs, je n'avais pas envie de le faire. Je la pris dans mes bras et l'emportai vers la chambre."
Le tout est (vous venez de le vérifier) écrit dans le style tapageur de Spillane, en plus léger et moins désespéré - un peu plus naïf et sautillant d'ailleurs que les Mike Hammer, dont les derniers tiers, invariablement, plombent l'ambiance et le lecteur par une noirceur catégorique et péremptoire.
Beauté Froide est donc sans surprise, mais 100% recommandable (alors que le Neil MacNeil n'est en fait recommandé par mes services qu'à 56%) et surtout doté d'un paragraphe final surprenamment poétique ("Je courais après un homme grand et maigre, dans la neige, au bord d'un fleuve où toute une cohorte de cadavres glissaient au fil de l'eau.") qui, enfermant le récit entre deux songes, achève de donner au livre la touche spéciale et attachante des curiosités joliment usinées du polar de gare machiste.

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